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Les expérimentations aléatoires en économie

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Photo prise le 11 mars 1993 au Soudan pour laquelle Kevin Carter a reçu le prix Pullitzer
Photo prise le 11 mars 1993 au Soudan pour laquelle Kevin Carter a reçu le prix Pullitzer

En 2011 le livre de Abhijit V. Banerjee et Esther Duflo Poor Economics, traduit en français sous le titre Repenser la pauvreté, remporte le prix du meilleur “business book” décerné par le Financial Times. Ces deux chercheurs du MIT travaillent sur les politiques de développement et souhaitent identifier de manière empirique quelles sont les politiques les plus efficaces. Pour cela ils ont choisi d’adopter un point de vue pragmatique qui consiste à transposer à l’économie le principe des essais cliniques. Deux groupes d’individus sont choisis aléatoirement, un des deux groupes bénéficie ensuite d’une politique publique, don de moustiquaires par exemple. Enfin les résultats des deux groupes sont comparés. C’est l’expérimentation aléatoire appliquée en économie. Cette technique assez simple permet elle d’identifier les politiques les plus efficaces pour lutter contre la pauvreté?

L’expérimentation aléatoire étudie le comportement des individus. Elle a ainsi le mérite d’éviter les polémiques théoriques sur l’aide au développement. Certains comme Jeffrey Sachs pensent que les pays très pauvres sont dans “un piège à pauvreté” : ils n’ont pas les moyens pour investir dans les infrastructures nécessaires à leur croissance, et sont donc piégés. Jeffrey Sachs plaide donc  pour une aide financière internationale élevée. A l’inverse William Easterly ou Dambisa Moyo, ne croient pas à cette théorie et considèrent que l’aide internationale est plus néfaste que bénéfique. L’expérimentation aléatoire permet donc de s’extraire de ces antagonismes pour voir concrètement sur le terrain quelle est la politique la plus efficace.

L’expérimentation aléatoire a notamment permis de relativiser la pertinence des transferts monétaires conditionnels comme le programme Progresa au Mexique. Il consistait à donner de l’argent aux familles à condition qu’elles envoient leurs enfants à l’école et participent au programme de médecine préventive (vaccins etc.). Une première expérimentation aléatoire a montré l’incidence positive de l’allocation sur le taux d’inscription  des enfants à l’école. L’efficacité de la conditionnalité de la subvention était ainsi démontrée.

Cependant une autre étude effectuée au Malawi, tend à montrer que la conditionnalité n’est pas la cause de l’augmentation du taux d’inscription. Cette étude reprend celle réalisée à la suite du programme Progresa mais ajoute un troisième type de village qui a reçu une allocation mais sans condition de scolarisation des enfants. Le taux d’abandon scolaire était le même (6%) dans les villages recevant l’allocation (avec et sans condition de scolarisation) tandis qu’il était de 11% dans le groupe ne recevant rien. Par conséquent ce n’est pas la condition qui fait augmenter la scolarisation mais le fait que le revenu de la famille augmente.

L’expérimentation aléatoire est donc un outil pertinent pour sortir des débats théoriques et identifier les politiques d’aide au développement les plus efficaces. Il faut néanmoins être conscient de ses limites. En effet, l’expérimentation est réalisée à une petite échelle, puis en fonction des résultats, elle permet de justifier la généralisation de cette politique. Or, elle a lieu dans un contexte spatio-temporel précis qui influence le résultat fragilisant ainsi la pertinence de la généralisation. « Les chiffres sont des êtres fragiles qui, à force d’être torturés, finissent par avouer tout ce qu’on veut leur faire dire. » Alfred Sauvy.

Pour aller plus loin : Repenser la pauvreté de Abhijit V. Banerjee, Interview d’Arthur Jatteau réalisée par Xerfi Canal “les limites de l’expérimentation aléatoire en économie”

 

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